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Alger Terminal 2

Alger Terminal 2
26 avril 2018 Wilhem
L’impossible retour au pays

Bloqué dans le Terminal 2 de l’aéroport d’Alger, Kaci retrace le chemin qui l’a conduit de la France à l’Algérie. Dans les va-et-vient de sa mémoire se bousculent sa naissance et sa jeunesse en France, la rébellion contre sa culture d’origine, son plongeon forcé dans l’Algérie des années soixante-dix, la brutale réalité d’un pays dans l’impasse.

Kaci est venu à Alger pour son fils, mais c’est le souvenir d’Aïcha, son amour de jeunesse tuée dans un massacre à Relizane, qui s’impose et avec elle, l’horreur des années noires…

Dans une mise en scène tendue et sans concession, où la vidéo brouille la carte des frontières ténues entre réalité et fiction, le texte, porté à bout de souffle, et l’univers sonore, clé du sensible et source de trouble, précipitent les interrogations de Kaci sur l’impossible retour, l’attachement contradictoire pour ce pays et la volonté farouche de livrer malgré tout un message d’amour et d’espoir à son fils.

Spectacle tout public à partir de 13 ans
Durée : 1h

Distribution

Texte : Rachid Akbal
Avec : Rachid Akbal, Margarida Guia
Mise en scène : Julien Bouffier
Vidéo : Laurent Rojol
Univers sonore : Margarida Guia
Lumière : Hervé Bontemps
Scénographie : Maryvonne Breschi

Production

Production : Cie Théâtrale Le Temps de Vivre
Coproduction : L’Avant-Seine/Théâtre de Colombes
Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de l’aide à la production dramatique.
Centre culturel Max Juclier (Espace 89) de Villeneuve-la-Garenne
Le Hublot/Cie Les Héliades à Colombes
Cie Adesso e Sempre, le Théâtre des 13 vents – Centre Dramatique National de Montpellier
Maison de la culture de Bejaïa.
Avec l’appui technique de la MJC-Théatre de Colombes
Crédit photo : Régine Abadia

Calendrier

Tournée

Du 4 au 10 novembre 2013 au Théâtre de Lenche / Marseille (13)
Du 10 au 15 avril 2012 au Théâtre de Belleville / Paris (75)
9 décembre 2011 à la Maison des cultures frontières / Freyming Merlebach (57)
11 avril 2011 au Théâtre Régional de Béjaïa / Algérie
29 et 30 mars 2011 au Festival Hybrides / Montpellier (13)
Du 15 au 19 février 2011 au Théâtre de Clermont l’Hérault (13)
Du 17 au 28 novembre 2010 au Théâtre de l’Opprimé / Paris (75)
28 mai 2010 au Festival Qu’en dira-t-on ? / Clermont-Ferrand (63)
18 mai 2010 au Festival des Arts du récit en Isère (38)
Du 18 au 21 février 2010 à l’Espace 89 à Villeneuve-la-Garenne (92)
Du 8 au 13 février 2010 au Théâtre le Hublot à Colombes (92)

Extraits

Mail 1

Omar, mon fils,
Ca commence mal, deux heures bloqué à l’aéroport d’Alger
Un joyeux bazar.
C’est long, l’Algérie est sur un fuseau horaire spécial
ici le temps s’allonge à volonté.
Je donne des RDV à tes prétendantes,
ici dans le hall de l’aéroport, c’est plus simple.
Tu as raison puisque tu es musulman
c’est avec une fille d’ici que tu dois te marier.
Ca me fait quelque chose d’être en Algérie
même si je ne suis qu’à l’aéroport,
je n’aurais jamais imaginé que cela me bouleverse autant.

MAIL 2

Mon fils excuse-moi de revenir sur cela, mais je ne comprends toujours pas ton engagement excessif et sans concession dans la foi. Peut-être est ce le bon chemin pour toi ?
Tu vas me dire que ce n’est pas à moi le mécréant de juger de cela
J’ai juste peur que tu te renfermes en toi.
Regarde les autres
Ouvre toi à la vie
Moi il y a 25 ans j’avais perdu la foi en la vie
Moi aussi je suis passé par les ténèbres.

Extrait

– Dis-moi encore comment c’est la France.
– La France c’est comme un gâteau.
– Makroud ou Zalabia ? Ce n’est pas très sucré la France.
– T’as peur de quitter l’Algérie.
– Moi j’ai peur de rien. Depuis que je suis petite j’ai peur de rien. Mon père je l’ai pas connu et ma mère est morte quand j’avais 8 ans, j’ai peur juste pour ma petite cousine chez ma tante à Relizane, les femmes en Algérie, on n’a pas peur de mourir, on est déjà mortes. En France, on peut s’aimer sans se cacher ?
– Je ne t’emmène pas en France.
– On va où alors ?
– Dans le pays de l’Amour.
– Je comprends rien, moi je veux aller en France. Quand j’étais petite je mangeais la terre.
– Tu mangeais quoi ?
– La terre pour grandir comme l’herbe. Plus tard je montais sur la colline au dessus de mon village et je chantais. J’appelais le vent pour qu’il souffle fort et m’emporte très loin de Relizane. Un jour c’est un camion rempli de poules qui s’est arrêté en bas sur la route et il m’a emportée. Maintenant, des fois, mon village me manque. Et toi, la France, elle te manque ?
– Bien sûr qu’elle me manque la France, ma famille me manque, la maison où j’ai grandi, ma bicoque château, dans le jardin mon père a planté un figuier. Et chaque année, il donne à l’un de ses voisins un bébé figuier. Et maintenant le quartier on l’appelle la nouvelle Kabylie.

Intentions / Julien Bouffier

Comment appeler cette forme théâtrale originaire du conte et nourrie au réel, au rock et au multimédia ? Du théâtre métissé, batard ou intégré à cette société polymorphe ?

Pourquoi accepter la demande de collaboration d’un conteur alors que cette forme théâtrale m’est étrangère ? Elle construit quasi-uniquement la représentation autour de la parole or la parole n’est pas, pour moi, l’élément principal d’un spectacle. Elle le nourrit aussi bien que le silence, la scénographie, la musique, la vidéo, les acteurs ou la danse.
J’ai donc d’abord tenté de décourager Rachid Akbal car je pensais que je ne pouvais pas l’aider. Mais il m’a expliqué qu’il savait ce qu’il faisait. Trop poli et trop lâche, je n’ai pas osé plus longtemps le contredire.
Ce qui ne me plaît pas, dans ce que je connais du conte, c’est le recours à la convention permanente pour faire croire. Cette convention, c’est mon ennemi numéro un.
Bien qu’aussi puéril qu’un journaliste vedette de Fox News, j’ai écouté Rachid et le projet dont il me parlait n’avait rien à voir avec du conte. Ce que j’entendais de son désir répondait au mien : le rapport au réel. Sa réalité n’est pas la mienne et pourtant elle rejoint des préoccupations que je partage. Je ne suis pas algérien, je n’ai jamais été en Algérie. La première fois que quelqu’un m’en a parlé (un cousin proche), c’était pour me dire qu’il fallait se méfier des Algériens car ils étaient agressifs et violents et qu’ils portaient toujours un couteau sur eux. Puis il y a eu la coupe du monde 1982 où l’Algérie a battu l’Allemagne. Ce qui me les a rendus tout de suite très sympathiques. Ah ! Le football, ce grand remède pour rassembler les peuples ! Enfin, je suis parti vivre en Egypte pendant mes années de lycée, et mon rapport à l’autre s’est modifié. Pour le blanc bec que j’étais, l’Egyptien et l’Algérien se ressemblaient or l’Egyptien était mon ami, donc. Est né de là un malaise, un double sentiment de culpabilité face à la guerre d’Algérie et à la paupérisation de cette population issue du Maghreb, « ghettoïsée » dans les quartiers populaires. Cette Algérie qui demandait l’indépendance se mélangeait dans mon esprit avec l’Egypte des expatriés français que j’avais connue, où deux mondes cohabitaient sans se connaître et sans s’apprécier.

Je ne connais rien de l’Algérie d’aujourd’hui ou presque rien. Le voyage que mène Kaci, le personnage de Rachid, est le mien. Il est mon guide.

Mon travail depuis quelques années s’est concentré sur l’évocation des problématiques sociales et politiques. Je suis convaincu que le théâtre doit porter le débat sur ce qui fâche dans notre société. Pas de manière moraliste ou dogmatique, mais dans le but de les rendre visible. Grâce à ce projet, je peux aborder la question de l’Algérie qui me semble être une plaie laissée ouverte de notre république. La porte d’entrée est d’autant plus intéressante qu’elle nous est donnée par un Algérien. C’est la vision d’un Algérien de France qui, longtemps, n’est pas rentré au pays. Pour trouver la réalité de la parole et ainsi bousculer son pouvoir affabulateur, j’installe Rachid Akbal dans un dispositif vidéo qu’il devra affronter.
Comment être plus crédible qu’une image ?
Comment alors faire croire ?
Loin de l’habiller, de le protéger, la scénographie d’écrans et d’images obligera Rachid Akbal, à être, simplement, sur le plateau, sans fard, sans truc.
Aider ce créateur à se dénuder en l’empêchant de reculer.
C’est bien de ça dont il s’agit : la mise à nu de Rachid Akbal.
Nourri du théâtre des origines (l’art de la parole), ce spectacle lorgne plutôt du côté de la modernité en confrontant le théâtre à l’autobiographie, au documentaire. C’est, en effet, un des enjeux principaux de ce projet : comment parler de soi, de son passé, de celui d’un peuple sur une scène. Il n’y a pas, comme au cinéma, de distinctions entre les films documentaires et ceux de fiction. Au théâtre, tout est fiction.
Tout comme dans l’écriture ou dans le jeu, le travail de la vidéo brouillera les cartes des frontières ténues entre réalités et fictions.
Dans ce but, nous utiliserons diverses sources filmiques : images préalablement tournées, séquences scénarisées, images documentaires, interviews.
Rachid Akbal sera accompagné sur scène d’une musicienne. Il nous semblait important qu’une femme, l’objet de la quête de Kaci, soit présente sur scène, d’autant plus dans ce rôle que la musique est la porte d’entrée évidente de la sensualité. La musique est la clé du sensible pour le spectateur mais Margarida Guia incarne une musicienne libérée, rugueuse, loin des clichés sur la douceur féminine et contestataire, à l’inverse des idées reçues sur la femme musulmane.

Julien Bouffier

 

Intentions / Rachid Akbal

Comment se situer face à la religion musulmane lorsqu’on se prétend progressiste humaniste, et qu’on est enfant de l’immigration maghrébine ?

Comment écrire sur la religion avec humour sans tabous ni retenue ? Si mon fils était un fou de Dieu, comment réagirais-je ?
Alger Terminal 2 s’étale sur une période allant de 1959 à nos jours. La colonne vertébrale du texte, c’est l’enfance de Kaci en France, où il est confronté à la violente réalité de son écartèlement entre deux cultures. Il refuse le rêve son père « du retour au pays », tout en subissant l’exclusion et les ratés de l’intégration. Tout cela va le conduire vers des petits délits jusqu’à tomber dans la drogue dure.
Suit sa mise au ban en Algérie, le pays de son père qu’il découvre pour la première fois, où, contraint, il fait son service national. Il plante des arbres dans cette terre paternelle qu’il déteste. Il va rencontrer Aïcha, une jeune prostituée qu’il va aimer et qui sera égorgée par le GIA durant les années noires. Aïcha est aussi le symbole de la terre algérienne, celle de ses ancêtres, qui va l’apprivoiser, où on se plante comme un arbre.
Mais vivre c’est choisir, il fera le choix de revenir dans son pays, la France, pour y donner des fruits.
Lors de la création de ce spectacle, les spectateurs étaient bouleversés par les images des massacres de Relizane, perpétrés par les activistes du GIA, et par le long poème d’Aïcha qui raconte l’arrivée des fous de Dieu venus l’égorger. Beaucoup n’y ont vu qu’une histoire algérienne. Et pourtant ce récit parle de la France, de l’immigration. Il nous dit l’inquiétude d’un père, qui a réussi à dépasser son intégration ratée et à conjuguer les apports de ses deux cultures, pour un fils, devenu musulman pratiquant, peut-être extrémiste. Tout le long du récit, durant ce voyage qui fait revenir Kaci en Algérie, 20 ans après son service militaire, il y a les textes projetés où il met en garde son fils, lui dit tout son amour. Il tente de garder le lien, il refuse de le voir glisser vers l’obscurantisme et peut-être vers la violence.

Reprendre Alger Terminal 2 aujourd’hui me semble très important car ce récit porte un avertissement qui n’a pas été assez entendu. On se demande souvent si ce que nous faisons sur nos scènes de théâtre à un sens. Avec modestie, je trouve que la pièce Alger Terminal 2 pose un regard aigu sur la complexité de l’intégration des jeunes, enfants de l’immigration au sein de la nation Française. Certes le texte développe les conséquences des ratés de l’intégration et les dérives des laissés pour compte. Il montre les insuffisances de notre modèle républicain. Mais il nous offre aussi un espoir, car ce n’est pas un texte qui divise, bien au contraire, il unit. Le dialogue entre Aïcha, jeune prostituée algérienne, et Kaci fils de l’immigration en exil dans le pays de ses parents en est un exemple. Il finira par dire combien il aime la France, il sent qu’il a une place à prendre et que sa double culture est un atout qu’il va mettre à profit.

Rachid Akbal

Presse

Douloureux retour sur terre
Dernière incursion au Lenche pour l’auteur et comédien Rachid Akbal, qui clôt ce soir sa Trilogie algérienne par un Alger Terminal 2, puissant et féroce, au cours duquel il raconte, bloqué dans un aéroport, le chemin qui l’a conduit à quitter la France et à traverser la méditerranée. Autre style aussi, plus cinématographique, à l’image de ce générique diffusé d’entrée de jeu, qui place le contexte avant que Rachid Akbal ne se saisisse de la parole. Car si de nombreuses images sont projetées pendant l’heure : archives ou phrases choc, elles ne prennent jamais le pas sur la performance viscérale du comédien, qui se démène comme un beau diable. Parfois, il se cache de honte sous le drapeau algérien, par la suite, il revêtira fièrement le maillot vert de son pays. Aux moments calmes, la fureur succède, faisant éclater, impuissant face à la mort, des sacs de terre. Accompagné sur le plateau de Margarida Guia, qui assure l’ambiance sonore et pose quelques fois sa voix, telle une conscience. Rachid Akbal ne tombe jamais dans la facilité, ni dans ses propos, ni dans son interprétation. Le numéro de funambule est réussi, donc.
Antoine Pateffoz et Cédric Coppola – La Marseillaise – 10 novembre 2013

 

L’effet papillon
Alger Terminal 2. Un homme est bloqué.
Il est algérien, mais il est né en France. Il retourne au pays pour le mariage de son fils. Un mariage musulman, dans la pure tradition. Lui qui n’est plus croyant, il ne comprend pas pourquoi son fils est devenu si raide, fermé au monde. Il est bloqué, il peut donc lui écrire, lui demander, chercher à comprendre le fossé qui les sépare, si ce n’est pas un abîme. Peu à peu il nous entraîne dans son histoire, sa jeunesse passée, les plantations d’arbres, les prostituées, l’ami assassiné. Un monde dur, une terre rouge impitoyable, à laquelle il adresse une dernier chant d’amour. Hier, ce spectacle était présenté au Théâtre Jean Vilar, à la Paillade. En écoutant les mots de Kaci, écrits par Rachid Akbal, comme on s’arrache la peau, en entendant résonner les ondes puissantes de cette autofiction, on comprend mieux comment le théâtre peut devenir un « média ». Ce qui se dit là sur la scène fait écho à la vie de milliers d’habitants de ce quartier mélangé. C’est pour eux, en leur nom, que ce poème est écrit. Certes, il n’est pas toujours facile de leur faire savoir…
Alger Terminal 2, comme d’autres spectacles de la programmation, devrait pouvoir tourner dans tous les quartiers de France. Une initiative de salubrité collective.
Bruno Tackels – Empreinte n° 3, journal du festival Hybrides,
30 mars 2011

 

Rêve d’une terre en vie
Kaci a fait son service militaire en Algérie à 20 ans et s’apprête à y retourner pour trouver une femme à son fils Omar. Bloqué à l’aéroport, il rouvre les pages difficiles de sa jeunesse et se souvient d’Aïcha, prostituée dont il était amoureux et qui fut assassinée. Révolté, en colère, Kaci plantait des arbres dans une terre blessée qu’il voulait voir revivre. Il rêvait de sauver sa bien-aimée et son pays. Il a perdu « sa foi en la vie ».
Ces multiples chemins entre l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui, cette sensation de n’être bien nulle part, sont mis en scène par Julien Bouffier et en musique par Margarida Guia. Les fils de la mémoire s’entremêlent dans un récit poignant et traversé d’humour. Viols et meurtres des femmes, massacres de civils, le pays saigne. Défilent des photos d’archives sur les horreurs des années noires (1990-1999) et des mails que son père adresse à son fils. Sur scène, des sacs plastique contenant des photos de femmes sont à la fois le symbole de leur enfermement et
leur linceul.
Anne Leray – L’Hérault du jour – 1er avril 2011

La Trilogie algérienne

La Trilogie pose un regard sur l’immigration algérienne en France et sur le rapport ambigu et complexe que ses enfants entretiennent avec le pays d’origine et le pays d’adoption.

Les trois épisodes qui la composent peuvent être vu distinctement, néanmoins il est bon de les voir à la suite car ils se répondent et se prolongent : dans chaque épisode, on retrouve des passages, comme une résurgence. De plus, ils s’inscrivent dans une temporalité qui suit le cours de l’Histoire.

Avec Ma Mère l’Algérie j’aimerais que le spectateur, en sortant du théâtre, ressente l’Algérie. Pour ma mère, sa terre natale n’était que poésie : c’était la neige et les oranges dans la neige, c’était les vergers en fleurs et l’odeur des fleurs, c’était les durs travaux des champs, les champs qui résonnent de voix cristallines et chantent les héros révolutionnaires.
La belle jeune fille de l’histoire représente la femme algérienne qui se bat contre l’injustice et l’obscurantisme. Cette mère représente aussi toutes les mères de l’immigration : elles sont le courage et l’amour, porteuses en grande partie de la mémoire.

Avec Baba la France, je voudrais que le spectateur admire la valeur et la bravoure de ces travailleurs exilés volontaires pris dans les tenailles de la guerre d’Algérie sur le sol français. Ces hommes doublement et injustement frappés par la conclusion de cette guerre qui leur donne un pays et qui les transforme définitivement en travailleur étranger*.
La guerre d’Algérie a porté le nom « d’évènements » pendant très longtemps, cette guerre a imposé le silence, ce silence a cousu les bouches des pères et laissé les enfants sans réponses. Je voudrais que le spectateur comme le fils de Baba ne supporte plus le silence.

Alger Terminal 2 est un retour vers la terre mère. J’ai choisi de suivre Kaci, le fils de Baba : il est l’enfant de l’indépendance, il est aussi l’enfant de l’immigration, et il est le père de cette génération qui ne trouve pas encore vraiment sa place en France.
Le lieu central de l’histoire est le hall 2 de l’aéroport d’Alger. Kaci n’arrive pas à en sortir, à mettre les pieds sur la terre. Les grands pères ont renoncé au retour, les enfants ont été programmés pour le retour qu’ils n’ont jamais fait et les petits-enfants sont français. Et pourtant l’Algérie les hante tous, ils partagent ses déchirements et ses espoirs. J’ai voulu que ce troisième volet nous parle davantage de l’Algérie, de cette terre meurtrie par dix années de guerre civile.

La Trilogie c’est aussi un voyage dans trois formes différentes

Le premier volet est une histoire tirée d’un conte traditionnel. C’est un choix pour s’adresser simplement au plus grand nombre de spectateurs : les codes sont simples, le théâtre est nu et le conteur/acteur est sur un fil face au public, il ouvre l’imaginaire en jouant sur les émotions de celui qui écoute.

Avec Baba la France, je voulais une transition souple et exigeante vers une forme théâtrale. Ce témoignage devait, pour moi, être vécu comme un roman qu’on écrit en direct. C’est un récit très écrit avec une forme cyclique moins évidente qui nous emporte dans les aller-retour de la mémoire. La partition du sensible est partagée entre le jeu de l’acteur, le jeu des lumières et la musique enregistrée.

Alger Terminal 2 parle d’aujourd’hui, et pour moi, le spectacle devait être plus en phase avec les techniques actuelles du théâtre. Même si a priori il s’adresse à un public plus familier du théâtre contemporain avec la vidéo, les images d’archives, les micros et la musique sur ordinateur, le récit reste central. C’est un théâtre documentaire, où le comédien autant que le spectateur sont les témoins du drame qui se joue.

Le voyage dans ces trois formes peut et doit se vivre dans les deux sens : pour dissiper les frontières et mêler les publics.

*Avec l’indépendance de l’Algérie, les Français musulmans peuvent acquérir la nationalité française ou devenir citoyen algérien.