Edito novembre 2024
Un bruit de bouchon m’a éveillé.
Je somnolais, bercé par roulis de l’Intercité, je me laissais aller à de douces hallucinations et soudain pschitt, le bruit du bouchon. Vite, je cherche le coupable : c’est le bruit d’une bouteille de coca qu’on débouche. J’en suis certain, j’ai l’oreille exercée, je reconnais le bruit d’une bouteille de coca entre mille. C’est le fruit de mon anticapitalisme cultivé, doublé de mon anti-impérialisme américain primaire.
Je l’ai trouvé le coupable. C’est le grand qui boit du coca derrière moi, j’ai envie de lui lancer mon œil torve à l’américaine, afin qu’il mesure la gravité de son acte. Troubler mes rêveries hallucinées. C’est bizarre, il ressemble à quelqu’un de connu avec ses cheveux blonds jaunis. Du coup, j’ai mes sens en alerte. Je regarde tout ce qui se passe autour de moi. Par-delà le couloir, un couple de trentenaires étudient l’art de la manipulation des cartes, des futurs illusionnistes ou politiciens, ils me sourient, et hop le lapin. Pas le temps d’applaudir, car les nouveaux arrivants se pressent de partout et cherchent leur place dans le compartiment tueur, le train vient de faire un arrêt à la gare de Châteauroux. Je n’ai jamais vu autant de gens avec des écharpes à carreaux noirs et blancs chargés de bagages barbelés, il y a un paysan avec des carpes dans un seau. J’ai l’impression de vivre l’exode. À Châteauroux, il y avait une base militaire américaine après la Seconde Guerre mondiale. C’est là qu’ils auraient dû construire la maison de Mickey, Donald et les autres, Eurodisney Châteauroux !
Je rentre sur Paris après une semaine au vert dans le Lot où j’ai assisté aux premiers pas de Grand Terre. Grand Terre, c’est le bébé, la nouvelle aventure de la Cie. Un jeune public que j’écris avec la complicité de Sylvain Levey qui sera à la dramaturgie, et toute l’équipe artistique habituelle du TDV . Je vais reprendre mon journal de création pour vous tenir au courant de l’évolution du projet. Cette aventure va nous faire voir du pays et des tas de personnes. Je vais essayer d’écrire un spectacle politique pour des jeunes de 9 ans et plus, mon fils me dit que c’est une hallucination d’adulte, et pourtant, j’en suis certain la politique intéresse les plus jeunes.
Hier soir à Marcilhac, il y avait la fête de la soupe, et j’ai mangé une soupe préparée par des jeunes qui sont allés chercher des champignons dans une vieille forêt. Je ne me souviens plus de leur avoir demandé s’ils étaient sûrs des champignons.
Si je suis désordonné dans mon écriture, c’est parce que ça s’agite trop autour de moi. Les illusionnistes fêtent le mariage de la carpe et du lapin. Les deux contrôleurs n’arrêtent pas de passer et, à chaque fois, ils portent un costume différent. Les gens avec des écharpes noir et blanc n’arrêtent pas de changer de compartiment, des enfants et des femmes majoritairement. L’Américain blond délavé parle fort au téléphone avec un Russe, ils ont l’air de bien rire, ils m’empêchent de me concentrer. Il me rappelle vraiment quelqu’un l’Américain. Je me rends compte que j’ai écrit « compartiment tueur », au lieu de bondé. Compartiment tueurs c’est le titre d’un des tout premiers films de Costa Gavras, lui, réalise des films politiques. Il a attaqué les totalitarismes avec ses images. Sans tergiverser. Il faut être radical. À gauche toutes les forces de progrès, quitte à perdre, autant perdre en défendant nos idées. Gouverner au centre conduit à l’extrême centre.
Où en sommes-nous ? Mais il va se taire le canard ?! Oui, depuis le lapin est devenu un canard.
Les enfants peuvent entrer dans un spectacle politique, mais il faut des métaphores. D’ailleurs, il y aura des images et des dessins projetés dans le spectacle. Si nous voulons plus de démocratie, et concerner davantage les gens à l’exercice de la vie démocratique, insuffler la notion du partage et du vivre-ensemble, il faut initier très tôt les enfants, il faut déjà leur donner la parole et les écouter davantage. À quand la philosophie en primaire ? C’est le fond de Grand Terre, donner la parole aux enfants.
Et voilà, il recommence à parler fort l’autre avec sa mèche. C’est fou, il ressemble au canard.
Il y avait peut-être aussi du canard dans la soupe. La soupe au canard, c’est un film de qui déjà ? Moi, c’est la soupe à la grimace depuis plusieurs mois. Mais il ne faut pas se laisser aller à la déprime, surtout que nous entrons dans l’automne où les jours raccourcissent et la lumière nous quitte comme dans beaucoup de régions sur la planète bleue, mais pour d’autres raisons. Il faut regarder les films des Marx Brothers, c’est un bon antidépresseur.
Un bouquet de fleurs, merci les illusionnistes, des papillons, encore plus beaux, j’aime beaucoup le vert.
Musique, s’il plaît pour les papillons, vous êtes beaux les contrôleurs quand vous dansez.
Mais c’est qui, mais qui court à côté du train ? Le grand blond !
Vous avez bien fait de le mettre dehors.
Mince, il a oublié son portable. Ça continue de parler dans le téléphone. Il était en pleine conversation quand ils l’ont jeté hors du train. Il y a un nom affiché sur le cadran du téléphone. Benyamin Netanyahu !
SVP sortez-moi de ce cauchemar halluciné. Il faut que cela s’arrête. Arrêtez la musique. Arrêtez. Les personnes qui nettoient les trains me réveillent, le train est arrivé au Austerlitz depuis 10mn.
Le pont enjambe la Seine, je marche loin de la cohue du Monde, enveloppé dans une nuée de papillons.
Traffic · Réseau d’aide à la création et à la diffusion des arts du récit
L’appel à projet est à présent clôturé.
Le collectif Traffic accompagne des équipes artistiques porteuses de projets ambitieux de création contemporaine autour du récit, soutient le développement et la visibilité nationale de ces équipes artistiques pour qu’elles puissent être diffusées dans notre réseau et plus largement dans le réseau du spectacle vivant.
>>> Dix structures, sur six territoires géographiques :
Chahuts, festival des arts de la parole à Bordeaux
Le Forum Jacques Prévert à Carros
La Maison du Conte à Chevilly-Larue
Cie Le Temps de Vivre / Festival Rumeurs Urbaines à Colombes
Le Théâtre des Sources à Fontenay-aux-Roses
Le Centre des Arts du Récit à Saint-Martin-d’Hères
Le Théâtre Le Strapontin à Pont-Scorff
L’Abbaye de Noirlac, Centre culturel de rencontres
Le Théâtre HalleÔGrains de Bayeux
sont réunies pour soutenir la création contemporaine autour du récit.
Pour consulter l’appel à projet, cliquez sur l’image ci-contre.
Sac à histoires
Spectacle participatif en extérieur
Mardi 19 novembre à 10h, représentation scolaire à la médiathèque de Taverny (95)
Mercredi 20 novembre à 15h à la salle Colbert de Colombes dans le cadre du festival des solidarités
Lundi 25 novembre à 9h, 10h30 et 14h30 à la maison de la Pierre, 22 Rue Jean Jaurès, 60740 Saint-Maximin, en partenariat avec la Faïencerie de Creil – séances scolaires
Rumeurs Urbaines
Festival et fabrique du conte et des arts du récit
La 25ème édition aura lieu du 27 septembre au 26 octobre 2024.