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Edito Mai 2025

 

Je suis avec Grand-Terre au Québec, je poursuis le film de route de Grand-Terre, road-trip cela sonne mieux, mais ici, on n’a pas trop le droit de mettre des mots en anglais, alors chut. Avec Didier Léglise, nous sommes partis faire des images, et travailler avec deux classes d’un collège, une école d’art, dans le cadre de notre projet Dis-moi Grand-Terre. Seule ombre au tableau, on n’a pas pu rencontrer une classe d’élèves ou de jeunes des premières nations, mais les contacts sont pris.

 

Ainsi, Grand-terre est au bord de la rivière du lièvre, Waboz sipi, tout près de Mont Laurier ; c’est le grand lièvre qui a envoyé la loutre chercher un grain de sable pour donner naissance à la terre. Jadis, les premières nations utilisaient les rivières comme mode de communication. C’étaient leurs lignes de chemin de fer. Pas de TGV, mais des canoës. Les premières nations suivaient les rivières pour établir des points d’échanges commerciaux et culturels. Les Micmacs de l’Est du Canada, depuis la Nouvelle-Ecosse, suivaient avec des canoës à voile, le bord de mer pour aller jusqu’en Floride.

Je serai bien tenté de prendre un canoë, mais à plusieurs personnes, juste pour jaser un peu.

J’aime bien jaser avec les allochtones. J’aime leur accent de vieux français. Ah oui, petite précision, les Canadiens-français ou anglais sont des allochtones pour les premières nations. C’est-à-dire des personnes d’origine étrangère.

 

Depuis que je suis au Québec la discussion avec les allochtones, tourne beaucoup autour de leurs voisins états-uniens. Donald veut leur piquer leur eau pour se laver les cheveux. Ça, c’est pas correct. Par mesure de rétorsion, certains Québécois ne mangent plus d’oranges de Floride, elles viennent d’Espagne ou du Maroc. Ces Québécois sont fiers de leur patriotisme, de leur combat du pot de terre contre pot de fer. Seulement, question CO2 excusez-moi les suceurs de bâton d’érable, l’Espagne ou le Maroc, c’est 3 fois plus loin, et si vous ne comprenez pas, je vous le traduis en vieux français ou en français d’Amérique comme vous voulez, 3 fois plus loin égal trois plus de CO2. Le Canada est le dixième émetteur de CO2 et douzième pour les gaz à effet de serre au monde.

 

Je ne comprends pas pourquoi qu’y restent devant un passage piéton à attendre le petit monsieur gris, alors que la rue est vide comme le cerveau de Bardella. C’est peut-être cela le secret de la longévité du peuple québécois : la patience.

J’ai le don pour les énerver. Je leur dis que cela leur fait du bien que l’autre, avec sa mouflette blonde sur la tête, les assomme avec ses frais de douane. Alors que pendant des années, ils ne se sont jamais opposés à leur frère d’Amérique quand les Etats-uniens foutaient le waï à travers le monde. C’est quand moustique te pique que tu te grattes : proverbe de Grand-Terre.

 

Les autochtones sont les Premières Nations, qu’on appelait jadis amérindiens. Maintenant, t’as plus le droit de les appeler comme ça, c’est carrément un gros mot, c’est pas correct. Tu dois dire Première Nation, là, c’est correct. Encore plus si t’es un allochtone, c’est-à-dire un Québécois pur descendant de trappeur qui sent la bête avec ta chemise à carreaux. Là, c’est un crime de lèse-majesté Charles III. C’est lourd la culpabilité à porter, mais au moins au Canada, ils affrontent leur passé, ils reconnaissent leurs torts. Les communautés des Premières Nations ont tout perdu : confiscation de leurs terres, vastes territoires de chasse, terre sacrée. Les communautés sont jetées dans des réserves ce qui entraîne une acculturation forcée, une perte de repère. Socialement, culturellement détruits.

Le Canada leur attribue des droits et des compensations. Mais le chemin est long, la religion a fait des dégâts. Les enfants arrachés à leur famille, carrément volés, mis dans des pensionnats pour en faire des vrais Canadiens chrétiens, avec perte de la langue et des coutumes, ils ont subi des sévices corporels, des abus sexuels. Le dernier pensionnat a fermé en 1996. Une acculturation à grande échelle. Les parents privés de leurs enfants, ne sachant pas où ils étaient, voyaient par miracle arriver de l’alcool sur leur territoire, et ils y trouvaient le remède pour soulager leur douleur et noyer leur chagrin. Aujourd’hui dans les communautés, l’alcool et la drogue restent un fléau.

Le Canada avance, c’est déjà cela, vers la repentance, et les communautés peuvent reprendre leurs coutumes, faire corps avec Maman-Terre, retrouver leur dignité.

Il faut en parler à Retailleau, Macron, consorts et à la grande vieille France aussi, pour que la république reconnaisse les horreurs de la colonisation.

 

Mais soyons positif. Le Québec est une région magnifique avec des paysages grandioses, et les habitants sont adorables, surtout les étrangers et particulièrement les Kabyles.

 

Dans le bois autour de Mont Laurier, il y a le lac des castors. Cet incroyable animal construit des barrages pour fabriquer son écosystème. Le bois rien que le bois. Il se nourrit principalement de bois, construit des barrages incroyables avec le bois, sa hutte avec le bois.

Son travail inlassable favorise les zones humides, les tourbières qui sont des puits de carbone et stockent le CO2. Cet animal devrait figurer sur le drapeau canadien à côté de la feuille d’érable. On estime leur population de 60 à 400 millions avant l’arrivée des Européens. Aujourd’hui en dessous du million.

 

Dans le bois, Grand-Terre s’arrête devant un immense tilleul, c’est dans cet arbre que les hommes et les femmes médecins découpent leur masque. Avant de l’extraire, il demande à l’arbre de les accompagner dans les soins qu’ils vont apporter.

Grand-Terre est un moshum, un aîné qui veille sur les autres.

Je pense que Grand-Terre préférerait être un heyoka, un contrariant. Un bouffon masqué. Il fait tout le contraire de ce qu’il faut faire. Pendant la cérémonie de la danse du soleil, l’heyoka enquiquine les danseurs, qui pendant 4 jours, du lever au coucher du soleil durant l’été, dansent sans boire et manger. Et à un certain moment de la cérémonie, les heyokas perturbent le rythme des danseurs. Ils les perturbent pour leur enseigner l’humilité mentale, physique et spirituelle. Grand-Terre aimerait bien être le false mask, crooked nose, celui qui a le nez tordu.

 

La nuit tire le rideau du ciel étoilé où se reposent les chevaux, le lion, le scorpion.

Les moustiques sortent les violons, les coyotes entament un blues, les loups tentent une harmonie, les grenouilles, un vacarme amoureux. Grand-Terre se prend pour Dylan, il souffle sur un peigne entouré d’un papier hygiénique, les notes tordues s’échappent d’entre les dents de l’harmonica de fortune, et chauffent l’assiette du monde, carapace argentée de tortue. La lune se balance en chialant, et riant de joie à la fois, sur un rocking-chair décati, c’est le grincement du monde. C’est le moment de fouiller dans tes poches et de jeter ce qui te reste d’espoir dans le miroir brisé du lac des castors, c’est le moment de faire un vœu, c’est le moment de croire encore en l’humanité, c’est le moment de ne pas renoncer pour toi et pour les autres, le soleil se lèvera bientôt à l’ouest.

 

 

 

*Grand-Terre est le personnage du prochain spectacle de la Cie TDV, Dis-moi Grand-Terre.

 

Sortie de création pour Dis-moi Grand-Terre en décembre 2025 à l’Espace Saâd Abssi de Gennevilliers, puis au théâtre L’Avant Seine de Colombes.

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