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Les pieds sur terre

Les pieds sur terre

1) Expression signifiant « avoir le sens des réalités, être réaliste »

2) Émission quotidienne de Sonia Kronlund sur France Culture : une demi-heure de reportage sans commentaire, inspirée par la célébrissime émission de radio américaine This American Life. Récits et histoires vraies, d’une, deux ou trois personnes sur un thème, racontées à la première personne et nourries d’éléments de reportage. L’équivalent radiophonique de Strip-tease, série de documentaires télévisuels franco-belges dans lesquels les commentateurs s’effacent pour laisser les protagonistes parler de leur vie de tous les jours.

Un projet en faveur de l’insertion en direction des élèves en situation de décrochage scolaire dans les quartiers prioritaires de la Politique de la Ville à Colombes depuis 2020.

À travers une série de rendez-vous individuels et collectifs pour dire, écrire et jouer son parcours devant la caméra, chaque participant est conduit vers une meilleure image de lui-même permettant de retrouver confiance en soi et concourant à une meilleure réussite scolaire et une meilleure insertion dans la vie active.

Intervenants : Jalie Barcilon, Elie Guillou, Sami Hakimi, Isabelle Levadoux, Eric Maniengui, Thalès Zokene.

Partenaires : collège Gay-Lussac, Mission locale à Colombes.

Dans le cadre du Contrat de Ville 2023 de Colombes. Avec le soutien de la Fondation de France dans le cadre de l’appel à projets « Aidons tous les collégiens à réussir ».

Déroulement des ateliers

Chaque atelier débute par un long travail d’approche pour cadrer l’écoute et l’attention, les participants étant très facilement dispersés et ayant une capacité de concentration très faible : exercices d’initiation autour du souffle, de la voix, du corps dans l’espace, d’écoute du partenaire…

Chaque participant choisi une anecdote tirée de leur quotidien, sans être tout à fait convaincus de l’intérêt de ces histoires. Les sujets abordés sont variés : déception de trouver un mariage ennuyeux alors qu’on se figurait une fête, le courage d’une enseignante qui jette sa chaussure à talon sur un voleur de téléphone portable, la visite à l’hôpital d’une enfant tout juste née, la meilleure technique pour aider les dents de lait à tomber sans souffrir, la fois où l’on s’est enfermé dehors en claquant la porte de l’appartement par mégarde, le fait d’assister à un accident de bus ou encore avoir la fierté d’avoir la meilleure note de la classe…

La suite du travail permet de préciser le fil narratif, les enjeux dramatiques, de travailler sur les détails et les intentions sous-jacentes. C’est là qu’interviennent le jeu sur le réel et la fiction, le glissement ou non vers le fantastique mais aussi le travail sur le rythme, la langue et l’adresse avec le choix des mots, des sonorités, des expressions marquantes qui interpellent le futur spectateur-lecteur.
Il faut trouver l’équilibre dans les détails, effectuer les choix au sein de son histoire pour ne garder qu’un tissage quand une dizaine seraient possibles. Les participants découvrent aussi comment donner à leur personnage principal l’étoffe d’un héros.

Enfin l’atelier devant la caméra permet de formaliser le récit tout en gardant une part d’improvisation, de travailler sur la posture, la voix, l’énergie. Chaque vidéo est réalisée en une prise, d’abord répétée et visionnée de manière collective puis tournée à nouveau.
Les vidéos sont ensuite été vues par les élèves puis montrées aux familles lors d’une soirée de restitution.

Découvrir les récits

La meilleure mouria du monde

La meilleure mouria du monde

Youssef habite dans un immeuble sympathique. Comme ses parents aiment avoir une belle vue, ils habitent au 5eme étage.
Walid, son ami, habite dans l’immeuble, lui aussi. Comme ses parents aiment avoir un jardin, ils habitent au rez-de-chaussée. Chacun ses goûts, on peut pas juger. Mais dans cette histoire, on s’en fiche de la vue et du jardin : l’important, c’est que les parents de Walid invitent les parents de Youssef à dîner.
Ils ont préparé des lasagnes. C’est copieux. Copieux ou pas, la mère de Youssef n’aime pas arriver les mains vides. Ça la gêne. Avant de descendre, elle prépare une mouria, la met dans le four et dit : « Youssef, tu iras chercher la mouria quand on aura fini les lasagnes. »

C’est un samedi. Le lendemain, on peut dormir alors, à table, les parents en profitent pour parler beaucoup. La père de Youssef dit : « Ma femme, elle fait la meilleure mouria du monde ! »
Youssef, lui, n’arrive pas à manger ses lasagnes : il a grave mal à la dent !
Walid, lui, a fini ses lasagnes avant tout le monde. Il murmure à Youssef : « Viens dans ma chambre, on va jouer à la Wii. »
Dans la chambre, Youssef n’arrive pas à jouer. Sa dent le déconcentre, il perd tout le temps !
« C’est comme si on avait versé de la lave dans ma bouche ! » dit Youssef.
Walid répond : « T’inquiètes, j’ai un technique ! » et il sort un couteau pointu de la taille d’un gros lézard.
« Yahlili ! T’es fou dans ta tête toi ! T’as pas une technique plus douce ? » braille Youssef.

Walid a une autre idée. Il va chercher une ficelle. Youssef dit à sa maman : « Je vais chercher la mouria ! » Les adultes se lèchent les babines. Les deux garçons vont au 5eme étage.

Là, Youssef ouvre la porte, pose la clé dans l’entrée et va vérifier la Mouria : mince… c’est pas tout à fait cuit. Pendant ce temps, Walid attache la ficelle à la poignée de la porte d’entrée. Quand Youssef revient, il attache l’autre bout de la ficelle à la dent douloureuse.
ET BIM ! Il claque la porte !
Youssef hurle de douleur. Les parents l’entendent. Ils accourent.
Sur la pallier, Youssef est rouge de sang. Walid, lui, est rouge de honte.

Le père de Youssef fonce à l’hôpital. La mère de Youssef, elle, renifle un coup : « Ça sent le brûlé ! Ma mouria ! » Elle veut entrer dans l’appartement mais la porte est claquée et la clé est à l’intérieur !
Les parents de Walid sont catastrophés ! Ils voulaient tellement goûter la mouria qu’ils en oublient la bêtise de Walid. Walid comprend qu’il a une occasion de se faire pardonner. Il court chez lui, passe par le jardin et se met à escalader les balcons un par un. Il a mal au cœur, ses mains sont moites. À plusieurs reprises, il manque de glisser et de s’étaler dans le jardin comme une crêpe mal cuite mais heureusement il se rattrape.
Au 5eme étage, il trouve la porte du balcon entrouverte et peut aller éteindre le four. La mouria, elle, est complètement carbonisée.

Vers minuit, Youssef revient de l’hôpital. On a soigné sa blessure. Il a faim. Ça fait deux jours qu’il n’a rien mangé. Il veut de la mouria ! « Hélas, la mouria est brûlée… » se désole sa mère. « C’est pas grave dit Youssef : sers-moi ! »
Il gratte le brûlé. En dessous, le plat est encore bon ! Sa mère va chercher les voisins : « Debout, debout ! »
Autour de la table, en pyjama, tout le monde se régale : c’est vraiment la meilleure Mouria du monde.

Le jour du mariage

Le jour du mariage

Aujourd’hui, c’est un grand jour : pour la première fois, Saad est invité à un mariage. Ça se passe au Maroc, c’est le mariage de sa cousine. Il a trop hâte !

Il arrive au mariage. À l’entrée de la salle de fête, juste devant lui, il y a une poule qui veut entrer mais quelqu’un lui dit : « Hey, la poule ! T’es pas invitée toi ! » La poule reste dehors.
Saad a le droit d’entrer mais à l’intérieur, il est super déçu : les femmes et les hommes sont séparés : chez les femmes, c’est la fête, comme une boum, elles mangent, elles dansent… mais chez les hommes, ils font rien que parler. Paie ton mariage !

Saad s’ennuie. Il sort de la salle et s’endort debout contre un mur. Là, un invité le voit dormir. C’est le neveu d’une nièce à l’oncle de quelqu’un. En fait, on sait même pas s’il est vraiment invité. En tout cas, il profite du sommeil de Saad et il lui vole son portable.

La poule a tout vu. Elle s’approche de Saad et crie « Au voleur ! Au voleur ! » Alertée par les cris, la mariée, vêtue d’une robe blanche et de talons blancs, sort à son tour et jette son escarpin gauche sur le voleur. Le voleur esquive, prend sa voiture et s’enfuit. Saad veut noter le numéro de la plaque d’immatriculation sur son téléphone mais il n’a plus son téléphone ! Il est obligé de le noter dans sa tête : 27549 j 34.

Tout le monde part à la recherche du voleur et personne ne pense à remercier la poule. Pourtant, sans elle, le voleur serait parti tranquille jouer à Candy Crush sur le portable de Saad.

Grâce à la plaque, on arrive à retrouver la voiture : elle s’est écrasée dans un hôpital. Il sait pas conduire ce voleur ou quoi ? Saad essaie d’entrer dans l’hôpital mais la porte est bloquée : le voleur a pris tout le monde en otage !

Heureusement, dans cet hôpital, un bébé hors-norme vient tout juste de naître : à peine sorti du ventre de sa mère, ce bébé sait déjà parler, marcher, il a une intelligence de ouf ! C’est le cousin d’Isane : lui, il faudrait l’inviter au mariage, non ?

Immédiatement, le bébé repère la faille : le voleur a le portable de Saad dans la poche de sa veste de mariage, à l’endroit des mouchoirs qui font chic. Le bébé dit à sa mère : « Maman, en utilisant les rayons X du scanner pour l’échographie, on pourrait l’électrocuter ! » La maman pensait justement la même chose.
Aussitôt dit, aussitôt fait, le bébé use d’un mélange de technologie et de télépathie pour diriger le scanner vers la poche à mouchoirs-chics.
« Scriiitch » : le voleur tombe inanimé. L’hôpital est libéré.

Dehors, Saad voit tout le monde sortir et se demande où est son portable ! Le bébé s’avance vers lui : « Je suis désolé, dit-il, mais il fallait sacrifier quelque chose. »

Au mariage, la fête peut reprendre. On danse, on chante mais Saad est super triste : son téléphone lui manque. La poule aussi est triste : elle n’est toujours pas invitée.
Pour s’occuper, Saad et la poule se mettent à jouer ensemble. Ils font la fête dehors, tous les deux et ils sont si joyeux que tout le monde décide de les rejoindre.
Autour d’eux, tout le monde danse, tout le monde chante, on sort même le buffet ! Saad et la poule s’éclipsent pour manger pendant que tout le monde continue de danser.

20/20

20 sur 20

Mehul est au collège Auguste Renoir, 1 rue Rouveyroll. Aujourd’hui, c’est la première fois qu’il a un 20/20 en physique chimie ! D’ailleurs, c’est la première fois dans le collège que quelqu’un à 20/20 en physique chimie. Même la prof, Mme Do-Quang, elle a jamais eu 20/20. Et pourtant, c’est elle qui les invente, les contrôles.

Mehul a de bonnes raisons d’être heureux. Pour fêter ça, il décide d’aller à Maxitoys en bus. Dans le bus, Mehul s’assoit à côté de Ayoub. Ayoub lui parle mais Mehul ne l’entend pas, il est dans un autre monde : le monde incroyable du Gumball 20/20.

Dix minutes plus tard, les portes du bus s’ouvrent. Il y a un courant d’air et la feuille s’envole, elle va se mettre sur les yeux du conducteur : le bus a un accident ! La feuille s’envole à nouveau, passe par la fenêtre, s’élève dans les airs !

Depuis son bus 304, Mehul regarde le 20/20 s’éloigner. Ayoub lui dit « Cheh. » Mehul ne répond rien : il est dégoûté de vivre.

Le 20/20 s’envole au dessus de Paris, il admire le paysage, le resto Gusto et la Tour Eiffel. Là, le 20/20 décide de faire une pause. « Quelle belle vue, se dit-il, et dire que j’aurais pu finir ma vie dans une boîte à souvenirs ! »

Mehul se dit : « Si je ramène pas la feuille à la maison, mon père va jamais me croire ! » Il décide donc de partir en discret jusqu’à la Tour Eiffel.

A cause du contexte actuel du Covid 19, la Tour Eiffel est fermée. Mehul s’en fiche. Il se faufile discrètement comme Kaito Kid et escalade le monument. Quand il arrive en haut, il récupère son 20/20 et se met à admirer Paris. Sauf que tout Paris le voit aussi ! Même son père le voit. Il est en colère : « Je lui avais interdit d’escalader la Tour Eiffel après 17h ! » Au fond de lui, il est fier de constater que son fils est si bon en escalade mais il fronce les sourcils : il n’aime pas trop montrer ses sentiments.
Il prend sa voiture de luxe et roule vers la Tour Eiffel.

Pendant ce temps, la police encercle le monument. « Descendez, vous êtes cernés ! » Mehul, pris au piège, utilise une ingénieuse stratégie : il enlève son masque, fait semblant d’avoir le COVID et tousse au nez des policiers. Ils ont peur ! Ils s’écartent !

Mehul s’enfuit comme un léopard. Au coin de la rue, il reconnaît la voiture de son père : la Audia PB18 E-tron. Mehul monte dedans, tout fier avec son 20/20, mais son père lui crie dessus : « Tu as pas le droit de monter la Tour Eiffel après 17h ! Il fais trop froid là haut ! Tu vas attraper un rhume ou le COVID ! »

Mehul lui montre son 20/20 et son père se calme. Il est débordé par la fierté. Il veut féliciter son fils : il freine devant un magasin et lui offre une coiffe de téléphone avec marqué 20/20 dessus.

La paralysie du sommeil

La paralysie du sommeil

C’est le soir, je suis dans mon lit, à l’aise, j’ai tout préparé pour être dans mon mood, j’ai mes lumières L.E.D qui changent de couleur : bleu, rouge, violet, vert, et j’ai aussi mes airpod sur les oreilles. J’hésite sur la musique : Drake ou Beyoncé ? Je choisis Drake en me disant que Beyoncé serait jalouse mais ce soir, c’est une ambiance à la Drake, je peux pas expliquer pourquoi. La musique commence, je ferme les yeux et je commence à m’endormir. Mais là, la porte de la chambre s’ouvre d’un coup ! C’est ma mère. « Tu as récité les sourates ? » Je dis oui, oui. « Si tu les récites pas, tu vas encore me faire une paralysie du sommeil, récite tes sourates Nansa ! » Je lui dis : « C’est bon, je vais le faire ! » Elle claque la porte. (soupirs) C’est comment les sourates déjà ? J’ai trop la flemme, je préfère écouter Drake. Et voilà, je me rendors.

Après, je sais pas ce qu’il se passe : d’un coup, mes yeux s’ouvrent, je peux plus les fermer, je peux pas les bouger. Autour de moi, il y a une lumière rouge et une musique lente, oppressante. J’essaie de bouger une main, impossible. J’essaie de me redresser, impossible. Je suis clouée contre le lit par un point de pression juste là, sur le cœur. Je veux crier, impossible : je suis tétanisée. Je suis consciente pourtant, je peux penser. Enfin, consciente mais pas consciente, comment dire ça, y’a un mot spécifique… c’est impossible à expliquer en fait. Je suis dans un autre monde, voilà. Un au-delà. Nulle part.

Mais, au milieu de ce nulle part, je vous jure, j’entends la voix de Beyoncé, super lente, super flippante. C’est l’esprit de Beyoncé qui se venge ? J’ai l’impression que le morceau dure une nuit entière mais quand il s’arrête, il y a un silence et un autre morceau démarre : c’est Drake. Je reconnais ma playlist R&B ! En fait, mes airpods se sont mis en route tout seul et moi, je suis juste en train de faire une paralysie de sommeil. De le penser ça m’aide à respirer un peu. Je peux commencer à bouger les yeux. Je me calme encore et petit à petit je retrouve le contrôle de mes doigts, mon poignet, mon bras, mon corps tout entier.

Je m’assois sur le rebord du lit, je bois de l’eau, je calme mon cœur. Après, j’éteins les LED, j’enlève les airpods et je respire profondément. J’ai envie de me rallonger mais j’ose pas. Dans la chambre à côté, j’entends ma mère qui ronfle doucement. (soupirs) C’est comment les sourates déjà ?

La panne d'électricité

La panne d’électricité

C’était le jour d’Halloween, mes parents étaient chez les voisins du dessus pour l’apéro et moi je regardais un film d’horreur dans ma chambre. J’avais éteint toutes les lumières, il y avait que la lumière de la télé. Il y a un moment dans le film, trop tendu. Je me retenais de crier mais là, je sais pas pourquoi, la télé s’éteint.

Je suis dans le noir, mais le noir complet. Je vois même pas la télécommande. Il se passe quoi ? J’ose pas bouger. J’écoute ma respiration. Elle me fait peur. J’essaie de trouver la porte, l’interrupteur avec mes mains. Je les fais glisser sur le mur, j’arrache un poster au passage. Quand je trouve : clic clic, ça marche pas. C’est quoi ce truc ? Je trouve la poignée de la chambre, je sors dans le couloir mais c’est bizarre, je sais plus où est le salon, la salle de bain, la porte d’entrée. J’ai envie de sortir de l’appartement. Là, j’entends des ricanements, comme si quelqu’un se moquait de moi. Je dis « Y’a quelqu’un ? » mais même ma voix me fait peur.

Et là, j’entends « Toc, toc, toc. », ça frappe à la porte ! J’entends mon cœur qui fait « balablam, balablam ». Au moins, je sais où est la porte. Ça frappe encore. Je longe le mur du couloir pour pas me perdre et j’arrive dans l’entrée. Les ricanements sont juste derrière. Je dis « C’est qui ? » On me répond « Des bonbons ou un sort ! » Et pouf, la lumière se rallume.

Amel

Amel

J’étais en voyage de révision, pour le bac. C’est un genre de colo où tu te retrouves au milieu de nulle part avec des gens que tu connais pas pour réviser ton bac. Pas très fun. Dans le bus, je regarde un peu qui sont les autres filles, j’essaie de sentir avec qui je pourrais sympathiser. Mais elles ont toutes l’air fades, sauf une, Amel, qui a du caractère. Ça me plait, c’est comme moi.

Quand on arrive là-bas, on nous réparti dans les chambres, 4 par 4. J’espère être avec Amel mais non. Je suis avec les fades. Je me dis « Tant pis. »

Le premier soir, les filles éteignent la lumière hyper tôt. Je suis là, dans le noir, sans mes lunettes, je peux même pas lire. J’ai pas envie de dormir alors je lance des conversations. Au début, les filles répondent par « oui » ou « non », elles ont aucune conversation mais petit à petit j’arrive à les décoincer.

Là, une femme arrive dans la chambre et nous dit « C’est pas bientôt fini ! Vos camarades ont envie de dormir ! » et tout… Je vois que toutes les filles se taisent alors je me tais aussi. Quand la femme est partie, je dis aux filles : « Elle est tarée cette prof ! » Elles disent : « C’est pas une prof, c’est une élève. ». Je comprends pas : « Mais pourquoi vous avez rien dit ? » Moi, ça me rend dingue. Elle se prend pour qui, l’autre ? Si Amel était dans la chambre, on lui aurait fermé sa gueule à celle-là… Là, je me remets à parler bien fort. Je fais exprès. Moi, personne va me dire si je dois me taire ou dormir ! Je parle bien fort jusqu’à ce que la grande gueule revienne et recommence à faire sa prof de latin. Là, je lui rentre dedans direct. Elle monte dans les tours, je monte dans les tours. Je me lève. Je la pousse, elle me pousse. On commence à s’empoigner et je la griffe au visage. Là, les autres filles nous séparent et la fausse prof quitte la chambre. Je dis aux filles : « Ca y est, là, on va être tranquilles pour parler. » Mais elles ont plus envie de parler. Elles ont envie de dormir. Ça sert à quoi que je les défende ?

Le lendemain matin, je descends à la cantine pour le petit-déjeuner. Les filles fades sont déjà attablées, elles m’attendent devant leur chocolat tiède. Je leur passe devant et je vais m’asseoir à la table d’Amel. Elle a la tête dans les mains. Je lui dis : « Ça va, t’as bien dormi ? » Là, elle relève la tête et sur sa joue, je vois une grosse trace de griffure.

Les jumeaux

Les jumeaux

Une semaine avant ma rentrée en 6ème, mon père m’a offert un ensemble Nike bleu. Il voulait que je sois beau pour la rentrée.

Pendant une semaine, j’ose pas le mettre. J’ai peur de l’abîmer, de faire une tâche, ou un trou. Le matin de la rentrée, je l’enfile pour la première fois. Je me regarde dans la glace. Je vois la virgule blanche sur mon cœur. Mon père me regarde aussi. Il me dit : t’es beau, mon fils.

Sur le chemin du collège, je m’arrête pour me vérifier dans les vitres des magasins ou celles des voitures. Il a raison : je suis beau. Très beau, même.

J’arrive au collège. Je suis fier. Mais en me voyant tout le monde rigole. « Hey, t’es le jumeau à Rayan, t’es le jumeau à Rayan. » Je regarde Rayan : il a exactement le même ensemble que moi : Nike, bleu, avec la virgule blanche sur le cœur.

Pendant toute la journée, on nous appelle les jumeaux et même les siamois. Je me sens moins beau. Alors, le soir, en sortant, je vais voir Rayan. Je lui dis « Pourquoi tu m’as copié ? » Et lui, il me dit « Pourquoi TOI t’as copié ! » Je dis « C’est mon père qu’a acheté ça ! » et lui « Mais c’est mon père aussi. » « Mytho ».

Je lui mets une patate, il me met un kick, bref, on se bagarre, on part au sol et tout. Mais à un moment, il me dit : « Arrête ! Arrête ! » Il regarde son jogging, il a trou dans le genou. Je me fous de sa gueule ! Mais là, il me dit : « Regarde ton coude. » Je regarde : oh non…

Le lendemain en rentrant au collège, y’a un élève qui recommence : « Hey les siamois ! » Nous on montre nos trous : « Ta gueule, ils sont différents maintenant. »

Nuggets ou RER

Nuggets ou RER

Ma grande sœur doit aller à Colombes pour visiter une salle qu’elle veut louer pour son anniversaire. Je veux l’accompagner alors je demande à ma mère de l’argent pour le RER. On doit faire Colombes – Bois-Colombes. Ma mère, dit « Vous pourriez faire ça à pied. » mais elle me donne l’argent pour le RER : c’est 2 € pour l’aller et 2 € pour le retour. C’est vrai que c’est cher pour ce que c’est.

En allant au RER, on passe devant le Mc Do et là je vois la pub pour le menu « petite faim » : pour 4 €, tu peux avoir 12 nuggets. C’est pile ce que j’ai ! J’en ai trop envie mais c’est l’argent pour le RER. Ma sœur, elle me dit : « Pour une station, franchement, y’a aucune chance qu’on soit contrôlées. » Je sors les deux pièces de ma poche, je les regarde, j’écoute mon ventre qui gargouille. Je prends à emporter.

Au RER, je passe le portique, collée à ma sœur, en levant mes nuggets au-dessus de ma tête. Sur le quai, je m’assois pour manger mais je suis pas tranquille. J’ai l’impression que tout le monde me regarde, comme si tout le monde savait que j’avais fraudé. Ça me coupe la faim. Le RER arrive.

On monte dedans, j’écoute ma sœur me parler de ce qu’elle imagine pour son anniversaire mais j’écoute rien. Je pense plus aux nuggets, je regarde partout. Autour de moi, tout le monde a une tête de flic.

À l’arrêt Colombes, le RER ralenti, je commence à me détendre, j’ai presque envie de manger un nugget. Mais là, on arrive sur le quai et je sais pas pourquoi j’en étais sûre : des contrôleurs. Je fais semblant d’avoir perdu mon ticket mais ils me croient pas. Ils demandent ma carte d’identité. Ils appellent ma mère. Je l’entends criser au téléphone. Ma sœur me dit : « Tu vas te faire crêter ! »

Ma mère donne l’adresse pour recevoir l’amende et ils nous laissent repartir. On sort de la gare de Colombes. Je suis dégoutée. Je regarde mes nuggets. J’en n’ai pas encore mangé un seul. Je les jette à la poubelle. Les nuggets froids, c’est dégueulasse.

Le vol annulé

Le vol annulé

Chaque été, pour les vacances, on va voir ma grand-mère, dans son village, en Algérie. J’adore être là-bas, je comprends pas bien l’arabe mais j’aime bien écouter la langue, et j’aime retrouver mes cousins, la chaleur, la nourriture. À chaque fois, au moment de partir, je suis nostalgique. J’aimerais rester encore mais c’est comme ça, il faut rentrer.

Il y a deux ans, c’était le jour du départ, je préparais ma valise pour rentrer. J’étais un peu triste, comme à chaque fois. Mon père entre dans la chambre et il dit : « L’avion est annulé. » Je demande : « Je défais ma valise ? » Il me dit « Oui, il y’aura peut-être un autre avion demain. »

Je défais ma valise et je retourne écouter ma grand-mère qui regarde sa novella égyptienne. Je suis contente d’avoir un peu de temps en plus.

Le lendemain, je refais ma valise mais mon père entre dans la chambre : « Y’a pas d’avion aujourd’hui non plus ! » Je redéfais ma valise et je vais jouer avec mes cousins. Un peu de temps en plus.

Mais le jour d’après, pareil, pas d’avion : ok du temps en plus. Et c’est tous les jours comme ça.

Au bout de deux semaines, j’en ai marre d’avoir du temps en plus, j’en ai marre de faire et défaire ma valise tout le temps, j’en ai marre de la série égyptienne, j’en ai marre de mes cousins, de la chaleur, de tout ! Je veux retrouver Colombes !

Au bout de trois semaines, je fais ma valise comme tous les matins, je croise les doigts et là mon père rentre pas dans la chambre. C’est bon, y’a un avion !

Quand on dit au revoir, tout le monde fait genre qu’on est triste de se séparer, tout le monde se dit « Vivement l’été prochain » en soupirant. Moi, je soupire pas, je dis au revoir vite fait.

L’été prochain, j’aimerai bien visiter Colombes.

Mon premier bal

Mon premier bal

J’ai 14 ans, je suis en 3ème et je suis encore jamais allée à une fête ! J’en ai trop envie mais ma mère, elle est très sévère, elle me laisse jamais sortir : elle dit que je suis trop jeune, que des garçons vont m’agresser. Je suis frustrée. Dès fois, j’ai eu envie de lui mentir mais ma mère, j’ai l’impression qu’elle a détecteur de mensonge. J’ai même pas ouvert la bouche que déjà, elle plisse les yeux et elle fait sa moue là…

Sauf que cette fois, c’est le bal de fin de promo. Mes copines achètent des robes magnifiques, elles me chauffent : « Farah, parle à ta mère ! Cette fois, tu viens, y’a pas moyen ! » Ok. Je vais acheter une robe en cachette. J’en choisis une courte, mauve, magnifique. Je la cache tout en bas de mon armoire. Je mets pleins de chaussettes dessus.

Le jour J, avec ma pote, on a un plan : j’ai dit à ma mère que j’allais faire une soirée pyjama chez elle. À 19h, elle doit venir interphoner à la maison. Dès le matin, je suis nerveuse. Je sors pas de ma chambre pour pas croiser le regard de ma mère. À 18h, je profite que ma mère soit sortie pour me maquiller dans la salle de bain. Je mets du fond de teint, du mascara. Je me regarde : je suis belle. Mais merde, je suis trop belle, ma mère va le remarquer. J’enlève le mascara et finalement j’enlève le fond de teint aussi. Je jette les cotons dans les toilettes et je tire la chasse.

À sept heure moins dix, mon sac est prêt, la robe est roulée dans mon pyjama. Ma pote m’envoie un message, elle est en route et elle a pris une paire des chaussures à talons pour moi. Ben oui : tu sors pas en talons pour une soirée pyjama ! Sept heures moins 2, elle est en bas. Elle m’écrit : « J’interphone ? »

Là, je respire à fond, je sors de ma chambre, je vais dans la cuisine. « Maman ? »

Ma mère se retourne. J’essaie de garder mon calme. Je vais pas craquer. Mais elle plisse ses yeux, elle fait la moue. Je me sens comme cette fois où elle avait lu mes textos privés devant tout le monde. Elle me dit : « Qu’est-ce qu’il y a Farah ? » Je réponds : « Est-ce que je peux manger dans ma chambre ? »

Finalement, j’ai regardé le bal sur snap, sur le compte des copines. Je les vois faire leurs belles et je me dis : « Pfff, tout ça, c’est des enfantillages. »

Divertissement

Divertissement

C’était en 2018, au début des grandes vacances. Avec mon père, on part pour Lille en TGV. Je demande à mon père de prendre mon IPad pour me divertir mais il me dit : « Paris-Lille, c’est 1h, c’est rapide, pas besoin. »

Je m’installe dans le train, je commence à regarder par la fenêtre quand le train démarre mais je suis désolé, un talus qui défile, c’est pas divertissant. Une demi-heure passe, je commence à m’ennuyer. Mon père dit : « Arrêtes de gigoter. » Je lui réponds : « T’avais qu’à prendre mon IPad. » Il est sur le point de m’engueuler quand le train commence à ralentir et s’arrête en pleine voie. Je lui demande : « Quelqu’un s’est jeté sous les rails ? » Il sait pas. J’aimerais bien : ça, ça serait divertissant ! Mais là, « Tatatada. » Le contrôleur parle dans le micro et dit « Madame, Monsieur, nous sommes arrêtés en pleine voie à cause d’une panne, blabla. » Une panne ? C’est banal…

On attend pendant 20 minutes. On n’a même pas de pique-nique. J’ai même plus le talus pour me divertir. Je gigote, je gigote, je m’ennuie, je m’ennuie : mon père en peut plus. « Papa, comment je peux me divertir ? » Il est exaspéré et il me dit : « Je sais pas moi ! Écoute le contrôleur ! »

À l’annonce suivante, je me concentre et j’écoute bien la voix du contrôleur. C’est vrai qu’elle est marrante. Il a un petit accent du Nord et on dirait que ça l’amuse qu’on soit bloqué au milieu de nulle part. Pendant son annonce, je gigote plus. Mon père est content. Mais l’annonce est super courte. J’ai hâte d’être à la prochaine. Elle arrive assez vite, il dit que la panne va durer longtemps ! J’ai l’impression que c’est à moi qu’elle s’adresse. La voix veut que je vienne. Ça me divertit, en même temps ça m’agace, et le fait que ça m’agace me divertit un peu plus encore. J’ai envie d’aller jusqu’à la voix. Je me lève. Il y a une nouvelle annonce « tatatada // Madame, Monsieur, je vais vous demander de descendre du train, un autre train va venir vous chercher. » Je vois mon père soupirer, prendre les affaires et se diriger vers la porte. Oh non ! Papa, on va pas partir ? On va pas laisser la voix ?

Après, on est sur le quai pendant 2 heures. C’est la voix automatique de la SNCF qui parle. « Quai Numéro 5, attention au passage d’un train. » C’est banal et pas du tout divertissant. « Papaaaa, mon Ipad ! »