Dis-moi Grand-Terre met en scène une relation intime et complice entre un grand-père et sa petite-fille. Grand-Terre est un homme plein de malice, un conteur né qui a toujours su transformer la réalité en une matière malléable, un terreau fertile pour l’imaginaire. Mais cette fois, ce n’est pas à sa table qu’il raconte une histoire, ni au creux d’une veillée partagée.
Un jour, il reçoit une lettre de son fils. Une lettre lourde d’inquiétude : sa petite-fille ne va pas bien. Elle est envahie par une peur sourde, un mal invisible qu’on appelle l’anxiété anticipative. Elle a peur de l’avenir, peur de ce qui pourrait arriver, peur d’un monde qu’elle ne maîtrise pas et qui, partout autour d’elle, semble vaciller. Son père ne sait plus comment l’apaiser. Alors Grand-Terre décide d’agir comme il l’a toujours fait : en racontant une histoire.
Ne pouvant être à ses côtés, il se filme. Face à la caméra, il convoque les mots, les images et les sons, et donne naissance à une histoire extraordinaire : celle du monde de demain. Un monde où tout est encore à écrire, où l’impossible devient possible, où le rire est une force et où l’imaginaire façonne l’avenir.
Car Grand-Terre aime rire. Grand-Terre aime entendre le rire des autres. Il jongle avec les mots, joue avec les émotions, détourne la réalité pour la rendre plus belle. Il construit un récit où l’espoir l’emporte sur la peur, où la lumière surgit là où on ne l’attend pas. Et peut-être, en lui racontant cette histoire, offrira-t-il à sa petite-fille une nouvelle façon de voir le monde.
Tout public, à partir de 8 ans – durée estimée : 1h
Distribution
Texte et jeu · Rachid Akbal
Mise en scène · Le Temps de Vivre
Regard dramaturgie · Sylvain Levey
Jeu d’acteur · Odile Burley
Œil extérieur · Dov Cohen
Création sonore · Clément Roussillat
Création vidéo · Didier Léglise
Lumières · Hervé Bontemps
Costumes · Fabienne Desflèches
Production
COPRODUCTION
Saison jeune public de Gennevilliers (92)
Le Lieu, fabrique de création et d’accompagnement pour l’enfance et la jeunesse (24)
SOUTIEN – en cours
Moulin du Marais – Lezay (79)
Avant-Seine – Théâtre de Colombes (92)
Ville de Taverny (95)
Cie les AmArou ! (Togo)
AIDE FINANCIERE – en cours
Conseil régional d’Ile-de-France
Fondation la Poste
La compagnie est en recherche d’autres structures partenaires en coproduction et pour des pré-achats.
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Extrait
Tout le monde m’appelle Grand-Terre, comme la terre, la vieille Terre.
Ainsi ma journée commença, ce matin-là, ma tête allait bien, mais je marchais encore en boitillant, je finissais de guérir une grosse entorse à la cheville. Ainsi ce matin-là, j’ai reçu une grande enveloppe kraft envoyée par mon fils aîné.
Dans l’enveloppe, il y avait une lettre de ma petite fille de 10 ans et des dessins, je les ai d’abord regardés avant de lire sa lettre. Je les ai trouvés très beaux, normal c’est ma petite fille.
Puis j’ai lu la lettre. Très courte lettre. Avec beaucoup de ratures. Je sentais la présence de mon fils derrière chaque mot corrigé. Et sa douleur, grandissait au fur et à mesure que je lisais la lettre et les mots cabossés. Les dessins, ses dessins, ma petite fille ne les a pas faits à l’école, ni au centre de loisirs, ni même chez elle. Elle les a réalisés chez un psychologue. Ma petite fille ne va plus à l’école. Elle va voir depuis quelques jours un psychologue. Il m’a dit que je souffre d’anxiété anticipative que j’ai besoin de repos, et que dans un mois je pourrai courir comme un lapin dans les champs. Bon j’ai fait comme tout le monde, j’ai ouvert mon ordinateur. L’anxiété d’anticipation : c’est l’inquiétude pour l’avenir et la peur que de mauvaises choses se produisent ou que vous deveniez incapable d’accomplir avec succès ce que vous avez décidé de faire. Bon si j’ai bien compris, elle a peur de grandir dans le Monde d’aujourd’hui et elle a peur de réussir sa vie dans le Monde de demain. Il paraît que cela touche beaucoup de jeunes enfants, mais aussi les adolescents. UNE ANGOISSE comme une grosse tache sombre qui n’arrête plus de grandir.
Je les comprends faut dire que le monde n’est pas très rigolo.
Avec le réchauffement de la planète, les sécheresses après les sécheresses qui font craquer la terre comme une biscotte, les feux de forêts et les animaux qui n’ont plus où vivre, la fonte de la banquise avec les ours acrobates les uns sur les autres qui s’accrochent à un petit morceau de glace, les inondations qui emportent les maisons avec les souvenirs de la famille. Angoisse smiley cyclones.
Et tous ces présidents aussi fous les uns que les autres qui ressemblent au joker et qui font trembler la planète. Angoisse smiley bombe atomique.
Et pour finir, les discussions énervées des parents sur le travail qui fatigue et qui les empêche de dormir, et en plus ça ne rapporte pas assez d’argent car tout coûte trop cher, et tout ça juste au moment du dessert, en plus ce soir, il y a des fraises et il n’y a même pas de chantilly. Angoisse smiley tremblement de Terre.
J’ai punaisé les dessins sur les murs du salon, bien décidé à appeler ma petite fille. Je me suis souvenu de notre accord, ne jamais nous appeler ni nous écrire par SMS, n’oublies pas que tu dois venir me voir tous les mois pour faire des bêtises ensemble.
Puis je me suis dit que le mieux était de prendre tout de suite un train malgré que je boite encore, pour la rejoindre dans son petit village du Lot. Bon je n’ai fait ni l’un ni l’autre, car j’ai trouvé dans le fond de l’enveloppe kraft un mot de mon fils : « je préfère que tu ne viennes pas, ce n’est pas le moment de faire des bêtises, tu risques de la fatiguer. Elle refuse de manger, et de boire car elle a peur de vomir. Elle ne veut voir que sa maman. Dans un mois cela ira mieux, tu pourras venir. »
Non, non, moi Grand-terre, il fallait que je trouve un truc à moi, un truc qui lui ramène un grand, un très grand sourire soleil au visage.
J’avais moins de 30 jours pour réussir ma mission et qu’elle reprenne une vie normale.
Quand ma petite fille est née, c’est comme si nous avions rendez-vous. Je l’ai appelée par son prénom, elle a dû reconnaître le son de ma voix, d’accord c’est peut-être le fruit de mon imagination, mais je suis certain qu’elle m’a souri.
Elle adore se promener avec moi dans son village, je m’amuse à lui faire croire que les choses parlent et que je comprends ce qu’elles disent, les boîtes à lettre, les bancs, les panneaux de signalisations, les stops, les interdictions de stationner. Le voisin pépé Montier, quand il me voit faire parler les choses, il marmonne en se marrant avec ses dents toutes cassées : « il est complètement taré celui-là. » Elle, elle rit aussi, et me demande encore : « vas-y Grand-Terre fais encore parler, Grand-Terre qu’est-ce qu’elle dit la porte de l’église, qu’est-ce qu’elle dit la poubelle, et le vélo de pépé Montier ? ».
Mais le jeu qu’elle préfère, c’est la chasse aux abimaterres, les monstres qui abîment la terre, assoiffent les plantes, tuent les animaux, et qui se cachent, partout autour de nous. Elle et moi, nous sommes capables de sentir leurs présences dangereuses, on a une formule magique que je ne peux pas vous dévoiler, et dès qu’ils se manifestent, nous crions notre formule magique, et ils disparaissent.
Une fois, elle a dit à sa copine Lila : « mon Grand-Terre, il est très vieux, mais il n’est pas encore mort. » Sa copine Lila lui a répondu, « oh le pauvre il est vieux, comme pépé Montier, il ne peut plus grandir ». Je lui ai dit que quand je serai vraiment très très, mais vraiment très vieux, j’aimerais qu’on ne m’enterre pas, ni me brûle, mais qu’on me mélange à la terre, que mon corps devienne de l’humus fertile, c’est le processus de terramation .
Alors elle et moi, avons imaginé la cérémonie. On me posera sur la terre comme font les amérindiens, là, au sommet de la colline, au-dessus de son village, tout près des étoiles, avec juste posée sur moi une couverture de feuilles, et sous les feuilles des vers de terre. « Ne pas oublier de mettre ton chapeau, pour être certain que c’est bien toi », qu’elle a dit. On allumera mon appareil qui fait de la musique pour faire danser les lucioles. Et je deviendrai un tumulus végétal. Elle a dit « c’est chouette et à la fin je planterai sur toi un figuier ».
Image du personnage de Grand Terre qui devient un tumulus.
Quelques jours plus tard j’ai reçu encore d’autres dessins, des cœurs avec des je t’aime Grand-Terre et une lettre qui m’ont amené des larmes aux yeux.
Dessins à l’écran des cœurs avec des je t’aime Grand Terre
« Il y a beaucoup de brouillard en ce moment. Je ne vois rien de ma fenêtre. Pépé Montier est passé à la maison, il a dit à papa qu’on lui avait volé son vélo, papa n’y croit pas, il dit que Pépé Montier perd sa tête, c’est la galère, tu ne pourras plus faire parler son vélo.
Lulu est malade, j’ai essayé de lui dire tes formules magiques, mais ça ne marche pas. Maman me dit que les tortues dorment dans la terre, elle ne veut pas que Lulu dorme dans mon lit, mais moi je vois bien que Lulu a froid. Papa m’a dit, que je dois manger plus car sinon je vais devenir un fil de pêche, et que tu ne vas plus me reconnaître, alors je vais manger plus comme cela quand tu viens on retrouvera le vélo de pépé Montier. »
J’étais triste comme un chien abandonné.
Et c’est à ce moment-là que j’ai trouvé mon idée qui lui ramène un très grand sourire soleil au visage, j’allais lui écrire une grande, une très grande histoire.
Pour m’aider à l’écrire cette histoire, j’ai lancé un appel aux habitants de la terre.
A vous qui vivez sur la terre.
Comme vous le savez, le Monde est entré dans une période dangereuse pour nous et la Terre. Les abimaterres et ceux qui nous gouvernent, nous tiennent des discours rassurants, mais il ne faut pas les écouter quand ils parlent à notre place.
Nous allons leur montrer aux abima-terres que la terre n’est pas toute seule, et qu’aucun enfant ne doit avoir peur de grandir. Je ne sais pas si nous pourrons guérir toute la Terre, mais nous pouvons ensemble donner l’envie de vivre à tous les enfants du monde, ce rêve doit être écrit par tous.
Ensemble, écrivons une grande histoire qui nous parle de l’avenir du Monde de demain. Dites-moi, depuis l’endroit où vous vivez, comment vous comptez faire pour empêcher les abimaterres de nuire. J’attends vos lettres et messages, pour que comme des rivières, toutes vos histoires soient un océan de propositions, elles seront ajoutées, additionnées les unes aux autres, afin que s’écrive une histoire extraordinaire.
J’ai attendu cinq jours sans réponse aucune. Je me disais que le vent avait soufflé si fort que mon appel s’était perdu dans l’atmosphère, et peut-être même jusque dans la stratosphère. Et puis, un jour, j’ai entendu le coq chanté, alors je suis allé jusqu’à la boite à lettre, j’ai trouvé la première lettre, celle d’un enfant de 9 ans qui voulait m’aider mais ne savait pas comment faire, et puis jour après jour d’autres enfants m’ont répondu, et à la fin j’ai reçu des tas de messages d’enfants solitaires ou des classes d’écoles, de France bien sûr, et bientôt des enfants d’autres pays m’ont répondu aussi.