Edito maI-JUIN 2023
Vive le 1ermai
L’autre jour, j’étais à bord du Tram B3, il était 5h28. J’allais joyeusement à la gare de Lyon prendre le TGV.
Soudain, venant de la droite, la phrase de Sarkozy, « Je suis allé à Rungis, voir la France qui se lève tôt, la France qui travaille », est venue percuter l’intérieur gauche de ma caboche. Devant mes yeux bien réveillés, se dessinait la France majoritairement unicolore, africaine, antillaise, quelques maghrébins, tamouls. Ces gens, nés quelque part étaient presque tous endormis, déjà épuisés avant même d’avoir commencé leur journée, accrochés à leurs sièges, comme des moules au rocher de Sisyphe.
Qu’est-ce qu’ils font maman ces gens, pourquoi ils dorment dans le Tram ?
Ben, ils vont gagner leur vie mon enfant.
C’est terrible comme expression quand on y pense un peu. Gagner sa vie. Et dire qu’on nous a enfoncé cela dans le ciboulot pendant toute notre jeunesse. Travaille bien à l’école, t’auras un bon poste, comme ça tu vas bien gagner ta vie.
Dans les cortèges contre la réforme des retraites, il y a souvent cette pancarte avec ces mots qui cinglent comme un coup de fouet dans l’air : gagner sa vie à la perdre.
Elle commence joyeusement ma chronique. Je sens que je vais vous amuser.
Le travail, c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver.
Les prisonniers du boulot ne font pas de vieux os.
Moi le travail me court après, il n’est pas près de me rattraper.
C’est le 1ermai, c’est le jour du muguet, c’est la fête. On fait péter le bouchon, Champomy ! Oui, c’est la fête internationale des travailleuses et des travailleurs. Attention, on ne fête pas le travail « boulot, métro, dodo », faut pas se tromper. On fête les ouvrières du textile au Bangladesh, les employés agricoles de l’agro-alimentaire intoxiqués par tous les machins, les sages-femmes des maternités qui ferment, les marins-pêcheurs sur toutes les mers, les mineurs qui creusent dans les mines de cuivre au Chili et qui ne voient jamais le jour, les coiffeuses qui ne voient jamais mes cheveux, les éboueurs qui sont encore en grève quelque part, bref, on fête tous celles et ceux qui suent des doigts, et aussi du cerveau, dans le monde globalisé, n’est-ce pas Bruno ? Les sans-grades, les mal-payé·e·s ! Les essentiel·le·s du libéralisme, les exploité·e·s de l’économie de marché débridée.
C’est jour de gloire à Wall Street, Champagne !
Que les pauvres se lâchent, tant qu’ils ne renversent pas la table. Lâchons-leur un peu la bride. Marchez, cela vous fait du bien les pauvres.
Je sais tout ça, et pourtant j’y étais encore, dans le cortège ce matin. Celui de Sète. Départ place du Pouffre, ambiance joyeuse, la vaisselle est de sortie, surtout les casseroles ; c’est la fête à Macron.
Moi, j’aime le 1er, je m’en souviens à Marseille, à la fin du défilé, on mangeait des sardines, on buvait un bon coup, tout en se trémoussant au son du ragga occitan de Massilia Sound System. On ne changeait pas la face du monde, on n’était pas dupe, on se serrait les uns les autres encore plus près pour ne pas se sentir seul, c’est tout, et c’était bon.
Vive la solidarité. La fraternité. Cela fait du bien la solidarité.
Ça ne renverse pas le capitalisme, mais ça entretient l’espoir. On défile et on se dit qu’il n’est pas si pourri que cela le genre humain.
Car il ne faut pas se leurrer, même adouci, le capitalisme c’est pas la joie des travailleuses et des travailleurs. Ce n’est pas le travail qu’il faut réformer mais notre système économique globalisé tout entier, oui il faut renverser la table, pour vivre serrés les uns tout près des autres, enfin point trop n’en faut, dans un monde plus juste et fraternel, où il fait bon respirer.
J’ai un côté Henri Salvador aujourd’hui.
Au niveau de l’environnement
C’est pas la joie
Au niveau de la contestation.
C’est pas la joie
Au niveau des manifestations
C’est pas la joie.
Y a encore qu’au niveau de l’amour que ça marche toujours.
Quand j’ai ton cœur contre mon cœur ça marche à cent à l’heure.
Car entre toi et moi.
C’est la joie.
C’est la joie.
C’est la joie.
Vive le 1ermai.
Rachid Akbal
Radio bitumes
Théâtre-récit et danse hip hop dans l’espace public
Mercredi 10 mai à 17h Esplanade Joséphine Baker, 1 rue Jules Michelet à Colombes (92) & jeudi 11 mai à 10h15 et 14h20 au lycée Anatole France, 130 Bd Valmy à Colombes (92) dans le cadre de la saison hors les murs de l’Avant Seine / Théâtre de Colombes.
Radio bitumes
Théâtre-récit et danse hip hop dans l’espace public
19 au 23 juillet au festival Chalon dans la rue à Chalon-sur-Saône (71)